Se lever en pleine nuit pour débusquer les animaux cachés dans une zone naturelle ou sur des terres cultivables : vous vous y attelleriez ? Wannes Dermout, lui, le fait avec plaisir ! Avec son drone muni d’une caméra thermique, il localise les nids des oiseaux des champs et des prairies afin de protéger ces espèces menacées. « Les oiseaux ont besoin de notre aide, sinon ils seraient voués à disparaître bientôt. »
© Robbert Schepers
Ce moment où la brume s'élève au-dessus des champs et où les oiseaux se réveillent en sifflant, c’est celui que Wannes choisit pour sortir avec son drone et sa caméra thermique. « Je suis spécialisé dans la détection des nids et pour cela, il faut se lever tôt. Lorsque le sol et la végétation sont encore bien froids, la caméra thermique est la mieux placée pour détecter les oiseaux ou les œufs chauds. »
Les oiseaux des champs et des prairies ont la vie dure et sont sur le point de disparaître. « En raison de l'agriculture intensive, ces oiseaux trouvent peu de lieux de nidification appropriés. De nombreux œufs n'éclosent jamais, car les nids sont détruits par les véhicules agricoles ou ils sont attaqués par des prédateurs », explique Wannes. « Avec mon drone et ma caméra thermique, je peux les détecter, ce qui permet de les protéger et de les surveiller. »
Wannes voit de petits points lumineux sur l'image thermique de son drone lorsqu'il a découvert des œufs. Quand il s’agit d’un oiseau en train de couver ou d’oisillons, les taches sont légèrement plus grandes. Dans la lande de Kalmthout, Wannes a pu observer un phénomène rare. « On m'a demandé de repérer un nid de courlis cendré, un oiseau des champs et des prairies menacé d’extinction. Dans tout le pays, on ne dénombre que quelques couples de courlis qui se reproduisent sur la lande. » Cela a fonctionné et c’était un formidable sentiment. « Ce fut un moment de bonheur intense. J'ai pu prendre une image d'un courlis adulte en train de couver sur un nid comptant quatre œufs. Un mois plus tard, j’ai aussi pu voir le seul oisillon vivant. Nous l'avons baptisé "l'espoir des Flandres". »
« GRUTTO 16 - 17 KIEVIT », ou BARGE À QUEUE NOIRE 16 - VANNEAU 17, peut-on lire sur une photo publiée sur le compte Instagram de Wannes. Loin d’être le résultat d’un match de football, il s’agit du nombre de nids de ces deux oiseaux qu’il a trouvés à Berlare. « J’ai réalisé cette mission à la demande de l’organisation en charge du paysage régional Escaut-Durme. Sans détection, le score aurait sans doute été de 0-0. Les oiseaux auraient alors été victimes de la fauche ou attrapés par des prédateurs. » Il est souvent impossible pour les agriculteurs de repérer eux-mêmes les nids dans leurs champs. « Ils sont minuscules, camouflés et bien cachés. Les machines agricoles passent directement dessus. »
Chaque nid que Wannes trouve est indiqué sur une carte avec des coordonnées GPS. « Sur la base des photos que je prends, j'identifie l'espèce. Toutes les données sont utilisées pour protéger les nids. »
Leur protection peut se faire de plusieurs manières. « Des accords peuvent être passés avec les agriculteurs pour faucher ou labourer autour des nids. Dans les réserves naturelles, les nids qui n'ont pas encore éclos sont parfois clôturés. Ensuite, un filet est placé tout autour pour arrêter les prédateurs. » Car les prédateurs tels que le renard, la martre et le corbeau savent aussi trouver rapidement les nids. « Les zones de nidification des oiseaux étant devenues très petites, les prédateurs sont souvent très nombreux. Ils peuvent y trouver de la nourriture sans grande difficulté. Pour eux, c’est un véritable festin à portée de main. »
ÂGE
42 ans
PROFESSION
A lancé en 2018 son entreprise spécialisée dans la prise de vue par drone. Réalise principalement des missions dans la nature
RÉSIDENCE
Vit à Brakel avec son épouse et ses deux enfants
AIME
La nature, la randonnée et jouer de la musique
Wannes ne travaille jamais tout seul. « De tels projets sont toujours le fruit d’une coopération entre plusieurs parties. L'Agence pour la Nature et les Forêts est particulièrement impliquée, tout comme Natuurpunt, l'Institut flamand pour l'Étude de la Nature et des Forêts, les organisations de paysages régionaux, etc. » C’est d’ailleurs une nécessité, pour que ce soit financièrement rentable. « Il m'arrive de recevoir des demandes privées d'agriculteurs qui soupçonnent la présence d'un nid sur l'un de leurs champs. Mais je ne peux pas me déplacer pour un seul nid, car cela serait trop cher. »
Faire voler des drones est en effet une activité coûteuse. « Le drone en lui-même est cher, mais l'assurance et les licences annuelles pour survoler certaines zones le sont aussi. Il faut savoir que vous n'avez pas le droit de laisser votre drone voler partout. Heureusement d’ailleurs ! »
Wannes a créé son entreprise il y a quatre ans. « En Belgique, je fais figure de pionnier avec mon travail sur la nature. » Et les pionniers, ils ont le vent en poupe. « Je reçois parfois des remarques de la part de passants, ce que je peux comprendre. « Je travaille dans des réserves naturelles et des lieux de reproduction. Bien sûr, je cause des désagréments. Mais je travaille aussi rapidement, et seulement lorsque toutes les parties concernées ont donné leur accord. »
Lorsque Wannes repère un nid, il le survole de très près. « La caméra thermique est placée sous mon drone. J'essaie de voler assez bas, pour que la caméra puisse se faufiler entre la végétation et faire une prise d’image. »
Il en résulte parfois en des images amusantes. Un renard qui ouvre brièvement les yeux alors qu’il dormait, ou bien encore des oiseaux qui regardent avec étonnement le... petit oiseau. « Après à peine une minute, je repars. Vous pouvez également partir à la recherche des nids à pied. Mais alors vous dérangez toute la zone environnante. Vous laissez aussi derrière vous une trace olfactive. Conséquence : les animaux quittent leurs nids ou les prédateurs trouvent les nids plus facilement. Avec un drone, une heure suffit pour avoir de belles images et une localisation exacte de chaque nid et vous ne laissez aucune trace derrière vous. »
Le jeune courlis solitaire que Wannes a repéré dans la lande de Kalmthout a été mesuré et pesé par le personnel de Natuurpunt Studie qui l’a aussi équipé d'un minuscule émetteur. « De cette façon, ils peuvent cartographier les comportements du jeune courlis. Où trouve-t-il sa nourriture ? Pourquoi choisit-il ce biotope ? Et comment pouvons-nous éventuellement étendre ce biotope ? »
Wannes suit de près « ses » découvertes. « Je suis toujours très impliqué. Récemment, j'ai participé à un projet à Berlare. Nous y avons trouvé dix-sept nids de la barge à queue noire qualifiée de rare, avec quatre œufs par nid. Quand on apprend par la suite que seuls un ou deux jeunes ont survécu, c'est dur. Mais c'est la réalité dans laquelle vivent ces animaux. »
Wannes nous explique que trouver et protéger les nids n'est que la première d'une longue série d’étapes. « Après l'éclosion, les animaux doivent également être capables de survivre. Les oisillons qui dépendent des insectes protéinés, par exemple, ne trouvent parfois pas assez de nourriture parce que la biodiversité se détériore. Les changements climatiques jouent également un rôle. « Je considère la présence ou l'absence d'oiseaux des champs et des prairies comme un baromètre qui détermine l'état de la biodiversité dans une région. » ”
« Ce n’est pas comme ça que je vais m’enrichir. Je ne vais pas non plus toujours avoir l’air en pleine forme si je continue à me lever si tôt », sourit Wannes. « Mais l'urgence du travail me motive. Ces animaux ont besoin de notre soutien maintenant, sinon ils vont bientôt tout simplement disparaître. »
Heureusement, Wannes constate une prise de conscience du problème ces dernières années. « L'intérêt des gens s'est accru, surtout lors de la crise sanitaire. Ils sont sortis dans la nature et ont découvert des oiseaux qu'ils ne connaissaient pas encore. Puis ils ont appris que certaines espèces étaient réellement en danger. De plus en plus de personnes s'en préoccupent. »
Les agriculteurs aussi. « J’observe une grande volonté d'aider les oiseaux. C'est un sujet qui permet de faire collaborer l'agriculture et la nature et cela fait plaisir. »
En plus des oiseaux des champs et des prairies, Wannes recherche également des faons. « Les premières semaines de leur vie, les faons sont allongés au milieu des végétaux. Ils ne bougent même pas lorsque vous vous tenez près d'eux ou lorsqu’une machine agricole approche. Ils comptent sur leur camouflage. Leur mère vient les allaiter deux fois par jour. »
Lorsqu'on trouve un faon, on le déplace très délicatement. » « Je ne le fais pas moi-même, mais je laisse cela aux connaisseurs. Ils déplacent beaucoup de végétation avec eux, car aucune trace d'odeur humaine ne doit être laissée derrière eux. Auquel cas, la mère rejetterait le faon. » Les faons se voient attribuer un nouvel emplacement au bord du champ ou à proximité, loin des machines agricoles. « La mère et le faon se retrouvent en s'appelant l'un l'autre. »
Wannes considère son travail comme un job de rêve. « Je me rends dans les plus beaux endroits, auxquels le simple visiteur n’a pas toujours accès. Les vues à vol d’oiseau ne cessent de m’émerveiller. J’ai même appris à apprécier la beauté des zones agricoles. Le silence et le calme qui règnent le matin, les oiseaux que l'on entend siffler à leur réveil... En plus, il fait toujours beau quand je travaille. Mon drone ne peut pas voler sous la pluie. » (rires)
Le lieu préféré de Wannes est la lande de Kalmthout. « C'est une zone très étendue et vous y trouvez encore de vraies landes. C’est merveilleux à voir. Je pense que nous devrions tous prendre davantage conscience de la beauté de la nature locale. En même temps, depuis le ciel, je peux voir combien de travail il reste à accomplir. Je vois comme tout est fragmenté. C’est agréable de se promener dans une réserve naturelle. Mais lorsque vous la survolez, vous voyez aussi l'industrie qui l'entoure, l'utilisation intensive des terres... »
Wannes pense que toute cette nature fragmentée devrait être reconnectée. « La Flandre serait tellement belle, y compris les zones agricoles. Si chaque agriculteur laissait une bande verte entre ses champs pour que les oiseaux s'y reproduisent, ça serait tout simplement incroyable. Nous n'aurions plus à voyager pour observer la magnificence de la nature. »
INFO: www.falcoflight.be
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