En Flandre, elle est l’actrice qui joue Thilly dans la série Thuis. À Vorselaar, on la connaît comme la fille de la boulangère… et comme ramasseuse de déchets bénévole. Chaque semaine, l’actrice Lauren Müller (33 ans) s’adonne au plalking dans sa commune. Pla-quoi ? Lisez ce qui suit pour mieux comprendre !
« Je suis ce qu’on appelle une "plalker", ou écomarcheuse. Vous pouvez choisir », m’indique Lauren en souriant. « Plalking est la contraction du mot suédois plogga – qui signifie ramasser – et de l’anglais walking. » C’est déjà plus clair ? « Mais le ramassage des déchets peut aussi se faire en courant – on parle alors de plogging – et même en kayak. Mais je ne m’y aventurerais pas », plaisante Lauren.
Nous sommes assises au soleil sur un banc devant l’église de Vorselaar. Le sac poubelle blanc et le grand anneau porte-sac que Lauren tient en main trahissent cependant qu’elle n’est pas là pour se reposer. Elle s’apprête au contraire à démarrer sa séance de ramassage de déchets. « Avec une amie, je suis marraine d’un parcours ici à Vorselaar. Nous nous engageons à le maintenir propre. Nous essayons de parcourir l’itinéraire chaque semaine. »
« On trouve aussi beaucoup d’objets tombés accidentellement d’un sac ou d’une poche de veste. Tous les déchets n’ont pas été déversés volontairement. »
Aujourd’hui, nous l’accompagnons. L’itinéraire part de l’église. Lauren s’engage dans la majestueuse drève qui mène au château de Vorselaar. Entre nous, il y a des routes moins agréables à garder propres. « C’est vrai, c’est un très joli coin de Vorselaar. C’est justement pour ça que cela vaut la peine d’en entretenir la propreté. Normalement, mon amie et moi nous occupons chacune d’un côté. Nous effectuons une boucle d’environ 7 kilomètres. C’est notre petit moment thérapeutique. Nous papotons un peu tout en nous montrant utiles. C’est bon pour le corps et l’esprit. »
Son amie Dorien n’a pas pu être des nôtres aujourd’hui. Lauren zigzague donc entre les deux bords de la drève. Bien que le chemin non asphalté semble propre à première vue, Lauren ramasse inlassablement des déchets. Canettes vides, papiers… Elle collecte tout d’un mouvement rapide. « On trouve aussi beaucoup d’objets tombés accidentellement d’un sac ou d’une poche de veste. Tous les déchets n’ont pas été déversés volontairement. »
Quand on lui demande quel type de détritus elle ramasse le plus souvent, Lauren répond sans hésiter : « des masques buccaux ». « C’est vraiment frappant. Des canettes de bière aussi. Et même régulièrement des bouteilles d’alcool vides. La chose la plus dégoûtante que j’ai jamais ramassée, c’était un pull neuf souillé d’excréments humains. Le vêtement était même encore accroché au cintre. Dans un moment comme celui-là, on se demande quand même ce qui a bien pu se passer. Peut-être un vendeur du marché qui a eu un accident ? », sourit-elle.
À une occasion, Lauren a même appelé la police. « J’avais à plusieurs reprises remarqué quelque chose dans le fossé, à côté d’une route un peu plus loin dans le village. Mais à cette époque, nous n’avions pas encore de piques. Nous venions de commencer à ramasser les déchets. Je ne me voyais pas fouiller dans ce tas d’ordures avec mes mains. » Après avoir reçu une pique de la commune, Lauren a rassemblé son courage pour récupérer les déchets en question. « Il s’agissait en fait d’un pantalon, d’un soutien-gorge et d’un morceau de tissu », raconte-t-elle. « Cela m’a semblé très bizarre. Comment ces vêtements avaient-ils pu finir sur le bord de la route ? Dans le doute, j’ai tout remis à la police. À l’époque, j’écoutais souvent des podcasts de true crime. C’est peut-être pour ça que j’ai trouvé cette découverte si suspecte », explique Lauren en souriant. « En tout cas, je n’en ai plus jamais entendu parler. C’était sans doute une fausse alerte. »
« Nous avons commencé pendant le premier confinement de l’année dernière », dit Lauren entre deux coups de pique. « Comme beaucoup, Dorien et moi nous donnions régulièrement rendez-vous pour aller marcher. Il nous arrivait alors de nous munir d’un sac poubelle pour y jeter les déchets rencontrés sur notre route. Plus tard, nous nous sommes officiellement inscrites comme ramasseuses de déchets bénévoles. Aujourd’hui, nous avons un itinéraire attitré. Avant, nous avions l’habitude de discuter au café, maintenant nous nous retrouvons dans la nature pour papoter. Dorien et moi sommes amies depuis très longtemps. Nous avons toutes les deux grandi à Lille et nous sommes par hasard retrouvées à Vorselaar. »
« Avant, nous avions l’habitude de discuter au café, maintenant nous nous retrouvons dans la nature pour papoter. Dorien et moi sommes amies depuis très longtemps. »"
Lauren y a acheté une maison à rénover avec son mari. « Je n’aurais jamais pensé rester vivre en Campine », avoue-t-elle. « Mon père était allemand, la moitié de ma famille vit à l’étranger. Je me voyais aussi bien vivre dans un autre pays. Mais j’ai finalement élu domicile à Vorselaar », raconte-t-elle. Depuis la Campine, Lauren fait régulièrement la navette jusqu’à Louvain pour les enregistrements de Thuis. Elle travaille également dans la petite boulangerie de sa maman.
Deux adolescents marchent derrière nous depuis un moment. Chaque fois que Lauren s’arrête, ils font de même. Après quelques centaines de mètres, plus de doute : on nous suit. Lorsque Lauren lève les yeux, les deux garçons osent lui parler. « On peut prendre un selfie ? », demandent-ils en rougissant. « Bien sûr », répond gentiment Lauren. « Mais à distance, hein. »
Deux jeunes fans masculins… c’est assez surprenant. Le téléspectateur habituel de Thuis n’est-il pas plutôt la femme d’âge moyen ? « Vous seriez étonnés de savoir combien de jeunes suivent Thuis », rétorque Lauren. « Pour beaucoup, il s’agit d’un véritable rituel familial. Plein d’adolescents ont grandi avec la série. Leurs parents la regardaient déjà avant leur naissance. Et à partir d’un certain âge, les enfants s’y mettent aussi. » Mais les plus grandes fans de Lauren, ce sont sa mère et sa jeune sœur Helen. « Elles ne regardaient jamais Thuis, mais depuis que je joue dedans, elles sont fidèles au poste tous les soirs. Elles ne répondent même pas au téléphone pendant l’émission. »
33 ans
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Originaire de Lille, vit à Vorselaar
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Interprète le rôle de Thilly dans la série télévisée flamande Thuis
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Travaille comme chef pâtissier dans la boulangerie de sa maman
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Ramasseuse de déchets bénévole à Vorselaar
Dans la série, Lauren joue le rôle d’une jeune femme de caractère prénommée Thilly. « J’y prends beaucoup de plaisir », dit-elle. « En secondaire, j’ai étudié l’art dramatique et plus tard la mise en scène au RITCS. J’ai longtemps travaillé en coulisses pour une agence de casting, jusqu’à ce que l’équipe de Thuis me demande de faire une apparition. Par la suite, j’ai décroché un rôle permanent dans la série. »
La vie d’actrice est irrégulière. Lauren n’a pas d’horaire de travail fixe. « Je trouve ça parfois difficile à gérer. Une promenade hebdomadaire de ramassage des déchets me fait donc du bien. Cela donne un peu de structure à ma vie. »
Pendant sa séance de ramassage, Lauren reçoit régulièrement des réactions positives de la part des passants. « De jeunes parents avec des enfants qui nous adressent un pouce levé ou qui nous félicitent, par exemple. Cela fait plaisir », indique Lauren. « Les personnes âgées nous abordent aussi souvent. Elles nous disent "Félicitations". Au début, nous trouvions ça très bizarre. Comme si nous avions quelque chose à fêter. Mais apparemment, elles nous félicitent pour notre bonne action. Dorien et moi en rions parfois. "Pas encore de félicitations aujourd’hui ?" C’est qu’on s’y habitue ! (rires) »
« L’anneau porte-sac poubelle que nous avons reçu de la commune est très pratique. Les autres ramasseurs bénévoles en sont jaloux. »
Le trajet habituel de Lauren et Dorien dure environ une heure et demie. « À la fin, nos sacs sont en général bien remplis. J’en ai parfois mal au bras. » Un jour, les deux femmes ont croisé tellement de déchets sur leur route qu’elles n’ont pas pu terminer leur parcours. « Ce jour-là, il y avait tellement de déchets que nous n’avons pas pu tous les ramasser. Nous étions toutes les deux épuisées. Nous avons dû appeler les services municipaux pour qu’ils viennent tout ramasser. »
« L’anneau porte-sac poubelle que nous avons reçu de la commune est vraiment très pratique. Les autres ramasseurs bénévoles en sont jaloux », plaisante Lauren. La poignée de cet anneau porte un autocollant représentant un chien. « Des amis m’en ont fait cadeau. C’est une photo de mon caniche Lily. Je suis tellement folle de mon chien que mes amis en ont fait des produits dérivés. De temps en temps, j’emmène Lily avec moi pendant mon tour de ramassage. Mais en général, je la laisse à la maison. Un chien est parfois difficile à contrôler quand on a les mains occupées », plaisante Lauren.
Près d’un banc à mi-chemin de la drève, nous devons nous arrêter plus longuement. Il y a davantage de déchets à ramasser. « Il y a une poubelle à peine un mètre plus loin », fait remarquer Lauren. « C’est incompréhensible. Ça a le don de m’énerver ! »
Lauren n’a jamais attrapé de pollueur clandestin en flagrant délit. « Je me surprends à surveiller de près les passants. Chaque fois que je vois quelqu’un sortir quelque chose de sa poche, je me dis : "Hé là-bas, qu’est-ce que tu vas en faire ?". » Une déformation professionnelle, ça peut arriver aux meilleurs d’entre nous. Et ça va même encore plus loin. « Quand je vois des gens se promener, je me demande pourquoi ils n’ont pas un sac avec eux pour y mettre les déchets qui traînent par terre. Pour moi, c’est devenu un réflexe. En revanche, le plogging – qui consiste à ramasser des déchets pendant son jogging – ne me tente pas. Ça me ferait perdre mon rythme de course. »
« Mon intention n’est pas en soi de convaincre les gens de devenir eux-mêmes ramasseurs de déchets bénévoles. Mais je peux au moins les sensibiliser au problème. »
Lauren documente ses aventures de plalking dans un album photo sur Instagram. « Les gens aiment bien voir ce que je fais. Plusieurs personnes m’ont déjà envoyé un message pour me dire que cela les avait encouragées à se lancer elles-mêmes dans le ramassage bénévole des déchets. Je trouve ça super. Mon intention n’est pas en soi de convaincre les gens de devenir eux-mêmes ramasseurs de déchets bénévoles, mais je peux au moins les sensibiliser au problème. La prochaine fois qu’ils sont tentés d’abandonner des déchets dans la nature ou dans la rue, ils y réfléchiront peut-être à deux fois. »
« En ce moment, je suis en discussion avec Mooimakers, l’initiative flamande de lutte contre les déchets sauvages et les dépôts clandestins. Nous allons lancer un très chouette projet prochainement. Je ne peux pas encore en dire trop à ce sujet, mais il sera question de plalking dans différentes communes et d’autres personnalités seront aussi de la partie. Tenez bien les réseaux sociaux à l’œil ! »
« Le parc à conteneurs est-il ouvert ? » La question vient d’un homme qui passe par là à vélo. Un grand sac vert rempli de déchets plastiques est accroché au cadre de sa monture. « On est vendredi, donc je pense bien. Je vais vérifier », dit Lauren en sortant son smartphone. Les deux ne se connaissent pas, mais entament une conversation sur le tri. La collecte de déchets crée du lien on dirait.
« Je passerai aussi au parc à conteneurs plus tard », dit Lauren alors que le cycliste s’éloigne. « Mon sac est presque rempli. Et je suis déjà en sueur. Comme quoi, ce n’est pas seulement un moment de relaxation, c’est aussi physique (sourire). » Mais d’abord, encore un petit effort. « Aujourd’hui, nous n’avons heureusement rencontré que de petits déchets. Mais c’est souvent différent. Il nous arrive de tomber sur de lourds sacs pleins de litière pour chats, par exemple. Qu’est-ce que ça m’énerve ! Une fois, nous avons même trouvé plusieurs sacs remplis de litière pour chats, abandonnés à quelques mètres les uns des autres. Si vous vous donnez la peine d’emballer vos déchets et de les disperser dans la nature, vous avez aussi vite fait de les apporter au parc à conteneurs. »
Lauren repère un sac à crottes caché derrière un arbre. Encore quelque chose qui la met en rogne. « Je trouve ça désespérant. Autant laisser les crottes de chien par terre alors. En les emballant dans du plastique, on fait pire que mieux. Parfois, cela me décourage. Heureusement que je peux compter sur Dorien et inversement. Nos discussions rendent la tâche plus conviviale. À la fin de notre parcours, je suis toujours bien contente. C’est un peu le même sentiment qu’après avoir fait le ménage chez soi. C’est tellement agréable quand tout est nettoyé. »
Comment voit-elle les choses une fois que l’horeca aura rouvert ? Poursuivra-t-elle sa mission en tant que bénévole ? « C’est mon intention en tout cas. J’ai vraiment hâte de retrouver mes amis au café, donc je le ferai certainement. Mais je veux aussi continuer cette activité pour me détendre. Elle L’activité me permet de bouger, de prendre l’air et de me rendre utile par-dessus le marché. Idéal, non ? Ça ne me demande pas un grand effort. Au contraire, cela me perturbe parfois lorsque mes séances de ramassage sont interrompues pendant plusieurs semaines à cause des circonstances. Lorsque Dorien a récemment dû rester à la maison après avoir été contaminée par le coronavirus, j’ai demandé à mon mari de m’accompagner. C’était plus fort que moi. »
« Je veux aussi continuer cette activité pour me détendre. Elle me permet de bouger, de prendre l’air et de me rendre utile par-dessus le marché. Idéal ! »
Son sac étant presque plein, il est temps pour Lauren de se rendre au parc à conteneurs. Nous retournons à notre voiture. Avant de nous quitter, nous demandons encore à Lauren quel âge elle a. « 33 ans », répond-elle. « Depuis pas très longtemps. » Nous la félicitons pour son anniversaire. « Merci ! », s’exclame-t-elle. « Et voilà, j’ai eu mes félicitations pour aujourd’hui après tout (rires). »
Vous souhaitez vous aussi participer à la lutte contre les déchets sauvages ? Excellente idée ! Ce n’est pas très compliqué. Voici comment procéder :
Plalking, plogging… il y a plein de manières de collecter les déchets. Besoin d’inspiration ?
Faites un geste pour la nature en ramassant les déchets sauvages.
Les océans sont eux aussi pollués par les déchets. Jack Wolsfkin veut contribuer à solutionner le problème.
La collection Seaqual est entièrement confectionnée à partir de déchets plastiques repêchés en Méditerranée.