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Niki Colemont est fou des martins-pêcheurs et autres merveilles de la nature belge. Équipé d’un appareil photo, d’un téléobjectif et d’une tente de camouflage, il s’efforce presque au quotidien de capturer toute cette beauté. Difficile de croire qu’à une époque, il ne sortait pratiquement pas de chez lui. « À dix-neuf ans, seul le gaming existait à mes yeux. »
« Vous avez entendu ? » D’un geste de la main, Niki Colemont nous invite au silence. Nous nous immobilisons et tendons l’oreille. Le même sifflement bref et aigu retentit de nouveau. « Un martin-pêcheur », murmure Niki avant de se fendre d’un grand sourire. « J’ai un radar intégré pour détecter cet oiseau. » Tous ceux qui ont vu ses photos de nature le croiront sur parole.
Niki réalise des images à la fois familières et hors du commun. De petits portraits intimes du Limbourg et de la nature belge. Un martin-pêcheur engloutissant un poisson, une goutte de rosée suspendue à une aiguille de pin, un écureuil semblant contempler son reflet dans l’eau : en tant que spectateurs, nous sommes les témoins privilégiés de scènes ordinaires que l’objectif de Niki rend extraordinaires.
© Niki Colemont
Nous accompagnons Niki à travers les Caetsweyers, une réserve naturelle appartenant à l’association Limburgs Landschap qui n’est pas accessible au public. L’endroit est uniquement fréquenté par quelques pêcheurs en possession d’un permis. Et par des photographes comme Niki, qui y a immortalisé son premier martin-pêcheur il y a environ cinq ans. Il désigne un bosquet de roseaux de l’autre côté de l’étang. « Cet été, j’ai repéré un butor étoilé à cet endroit », nous raconte-t-il. « D’autres ont également observé un balbuzard pêcheur. » Tout est calme pour l’instant. Même les oies du Nil qui flottaient sur l’eau une semaine plus tôt se sont envolées vers d’autres horizons. Les poissons qui sautent de temps en temps hors de l’eau et le héron cendré posté un peu plus loin ont les lieux pour eux tout seuls.
« Je suis parfois un peu obsessif. Si je vois une buse sur un poteau quelque part, j’y retourne le lendemain. »
Nous croisons un pêcheur. « Et ? Vous avez vu quelque chose ? », lui demande Niki. L’homme secoue négativement la tête. « Les pêcheurs sont d’un grand secours », explique Niki. « Ce monsieur m’a un jour envoyé la photo d’un pic noir prise avec son GSM. Cela me permet de savoir exactement où me poster. En tant que photographe, vous vivez de l’information des autres. J’avoue être aussi parfois un peu obsessif. Si je vois une buse sur un poteau quelque part, j’y retourne le lendemain, même si je n’ai aucune certitude qu’elle reviendra se percher là. »
34 ans
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Né au Rwanda, a grandi à Diepenbeek
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Photographe nature
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Finaliste du concours photo de National Geographic
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Ouvrier chez Autoneum
Niki installe sa tente de camouflage au bord de l’eau. C’est entre ces quatre murs de bâche plastique qu’il passe le plus clair de son temps. Car même si la photographie de nature n’est pour l’instant qu’un passe-temps, il la prend très au sérieux. Pendant le week-end, il est souvent dehors de huit heures du matin à quatre heures de l’après-midi, dans la nature ou dans le jardin. Et s’il est en poste² de nuit en semaine, il est parfois en chemin dès six heures du matin. Très tôt, pour profiter un minimum de la matinée.
Niki est né au Rwanda en 1986. Quelques années avant la guerre civile qui allait conduire à un génocide sans merci. Sa mère est morte en couches. À moins que cela soit quelques années plus tard. Les informations figurant sur son acte de naissance ne coïncident pas avec les souvenirs de sa sœur. En 1990, Niki et sa sœur de cinq ans son aînée sont donnés en adoption. C’est ainsi qu’ils atterrissent à Diepenbeek. Son père mourra plus tard à la guerre. « J’étais trop jeune pour comprendre ce qui se passait », dit-il. « Je ne connaissais pas la langue, je ne savais rien de la Belgique et je me suis soudain retrouvé dans un pays où l’eau sortait du robinet, l’argent sortait du mur et la pluie et la neige tombaient du ciel. »
Il n’a pas le mal du pays et a encore moins envie d’y retourner. Sauf peut-être pour photographier les dos argentés, les puissants gorilles qui se cachent dans le Parc national des Virunga. « Tout ce dont j’ai besoin est ici en Belgique : des amis, des gens qui m’aiment et la nature comme occupation. J’ai reçu une seconde chance de faire quelque chose de ma vie. » Lorsque sa sœur décède en 2019, à l’âge de 38 ans, la dernière pièce du Rwanda disparaît du puzzle de sa vie. Aujourd’hui, il passe beaucoup de temps avec son neveu de 18 ans. Niki a vécu beaucoup d’événements pénibles dans sa jeunesse et il porte un lourd passé dans son sac à dos. « Je tire beaucoup de force du contact avec la nature. Cela me procure une grande satisfaction. Quand je suis stressé, je peux m’y vider complètement la tête. Dans la nature, je ne pense pas au train-train quotidien ; je m’occupe de manière positive et je me détends. »
Niki n’a pourtant pas toujours été un amoureux de la nature. Adolescent, il passait ses journées à jouer aux jeux vidéo. « À dix-neuf ans, je ne mettais pas le nez dehors. Seul le gaming existait à mes yeux. Je n’avais pas non plus de vie sociale. » Tout change lorsqu’il rencontre sa petite amie à l’âge de 22 ans. Ses parents vont régulièrement se balader. Niki les accompagne et prend lentement mais sûrement goût à la nature.
L’intérêt pour la photographie suit plus tard, il y a cinq ans environ. Alors qu’il rend visite à la grand-mère de sa petite amie, Niki aperçoit un couple de mésanges charbonnières dans le jardin. Les oiseaux font des allers et retours avec de la nourriture pour leurs petits. Ensuite, ils nettoient le nichoir en jetant les fientes à l’extérieur. « Ce manège a éveillé ma curiosité : j’ai voulu savoir ce qu’elles avaient ramené à leurs petits », raconte Niki. « J’ai trouvé ce phénomène tellement intéressant que j’ai voulu le capturer en image. »
Son beau-père lui prête un appareil photo reflex et voilà Niki parti. Sans véritable formation, il se met à expérimenter et à explorer la nature. Niki est d’emblée fasciné par les martins-pêcheurs. Il rêve d’immortaliser leur magnifique plumage orange et bleu vif sous son objectif. Une connaissance lui apprend que des martins-pêcheurs fréquentent les Caetsweyers, la réserve naturelle où nous nous promenons aujourd’hui. Mais alors qu’il avance sur un chemin boueux vers les étangs, il entend une voix sévère derrière lui : « Eh là-bas, où est-ce que vous allez comme ça ? »
« Je tire beaucoup de force du contact avec la nature. Je peux m’y vider la tête et oublier le train-train quotidien. »
Hugo, le conservateur des Caetsweyers, désigne le panneau d’interdiction qu’il vient superbement d’ignorer. « Je lui ai expliqué que j’étais très intéressé de savoir où se trouvait ce fameux martin-pêcheur. Hugo m’a alors fait visiter la réserve et m’a montré la branche inclinée sur laquelle le martin-pêcheur avait l’habitude de se poser. Il ne me restait plus qu’à m’asseoir et à attendre ! Le premier jour, je ne l’ai pas vu, mais le lendemain, il est venu s’installer juste en face de moi. »
Cette obsession pour les martins-pêcheurs est toujours aussi vive. Lors du premier confinement au printemps 2020, pendant une période de chômage technique, Niki a ainsi visité quotidiennement un fossé de Diepenbeek pendant deux semaines d’affilée pour photographier un couple de spécimens en train de s’accoupler. Mais les martins-pêcheurs ne sont pas les seuls animaux qui l’attirent. Une mésange charbonnière en plein vol, un hibou stoïquement perché sur un poteau, deux grands pics épeiches se partageant un scarabée, le portrait officiel d’un renard : tous ces sujets sont mis à l’honneur sur le profil Instagram de Niki. L’émerveillement avec lequel il observe la nature est parfaitement reflété dans la beauté de ses clichés.
Dans le même jardin où un couple de mésanges a éveillé son intérêt pour la photographie, Niki prend aujourd’hui des photos de visiteurs réguliers : quatre écureuils roux. En visite chez un ami, il a une illumination en voyant un écureuil ouvrir une mangeoire pour y ramasser des noix… Il se dit qu’en cachant de la nourriture dans des endroits stratégiques, il pourra faire des images amusantes. Depuis lors, Niki a créé toute une série de scènes ludiques dans lesquelles les écureuils figurent en pilotes d’avion, à côté d’un masque vaudou africain, à une table de pique-nique ou devant un échiquier. « Mon passe-temps a quelque peu dérapé », admet Niki en riant. « Il m’arrive de travailler pendant des heures sur une installation. Je trouve toutes mes idées en travaillant chez Autoneum, où je fabrique des isolations sonores pour les voitures. »
© Niki Colemont
C’est souvent une question de patience. Et parfois, le résultat final ne correspond pas à ce que Niki avait en tête. Un jour, il élabore un thème de Pâques, avec un chariot rempli d’œufs. « J’espérais donner l’impression que l’écureuil avait ramassé des œufs de Pâques, mais un pic épeiche est venu frapper les œufs de son bec. En définitive, ça a aussi donné une belle photo. » Le hasard est le meilleur allié du photographe nature. Une autre fois, Niki voulait photographier des martins-pêcheurs, mais c’est un cygne qui a fait un atterrissage élégant, ailes déployées, devant son objectif. « Un tel cliché me donne tout autant de satisfaction. »
© Niki Colemont
En cinq ans, Niki a réalisé une importante collection de photos de nature. Une photo en macro d’une mouche à toison prise dans une toile d’araignée arrive même en finale du concours photo 2019 du magazine National Geographic. « Moi qui ne prends pratiquement jamais de photo en macro, il faut le faire », ironise Niki. Il reste pourtant encore de nombreux animaux sur sa liste. En premier lieu, le macareux moine. « C’est mon rêve absolu. En raison de leur drôlerie, de leur aspect clownesque et de leur adorable frimousse. Ils ont aussi l’habitude de prendre quatre ou cinq poissons à la fois dans leur bec. Incroyable ! » Pour photographier cet oiseau, il devra se rendre en Islande, en Écosse ou en Irlande, mais en attendant, Niki sillonne avec autant d’enthousiasme son propre pays.
Même s’il passe régulièrement des heures dans un jardin de Diepenbeek, Niki aime aussi s’évader dans la nature. Il a photographié ses premiers martins-pêcheurs dans les Caetsweyers, mais cette réserve naturelle n’est pas ouverte aux visiteurs. Heureusement, les sites suivants le sont :
Repérer un animal dans la nature est une chose, prendre une belle photo en est une autre. Avec ces conseils, vous pourrez vraiment être fiers des résultats visuels de vos escapades dans la nature.
Niki aime sortir sous la pluie armé de son appareil photo. N’ayez pas peur de quelques gouttes d’eau : une veste imperméable de qualité vous garde au sec et assure votre confort pendant des heures.